Littérature : Maryse Kouassi fait parler les silences comme acte de résistance

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dimanche 04 mai 2025

Avec Au bord des silences, Maryse Kouassi ne se contente pas de publier un recueil de poèmes : elle livre un manifeste poétique où chaque vers devient un acte de résistance contre l’effacement, l’invisibilisation et les assignations. Présenté au public le 3 mai 2025 à Abidjan, cet ouvrage se dresse à la croisée des luttes : intime, féminine, mémorielle et culturelle.

Dans une société où le silence est souvent imposé aux femmes, aux traumatisés, aux héritiers de violences invisibles, Kouassi choisit d’en faire la matière première de son écriture. Elle en révèle les strates, les ambiguïtés, et surtout, la charge émotionnelle et politique. Le silence n’est plus une absence de parole, mais une forme d’expression subtile, de survie, voire d’amour. « Certains silences sont des gestes de protection », affirme-t-elle, déconstruisant ainsi l’idée d’un silence uniquement subi.

La poésie devient alors un outil de réappropriation, un espace où la mémoire se réveille, où les douleurs se nomment, où les identités blessées se reconstruisent. Pour Hervé Ayemene, qui signe la préface, le recueil n’est pas une œuvre contemplative, mais une « torche », éclairant les zones d’ombre de l’histoire individuelle et collective.

Au bord des silences est aussi une œuvre profondément ancrée dans la tradition orale et gestuelle africaine, où la transmission se fait souvent sans mots. En décortiquant ces silences culturels, Maryse Kouassi refuse l’amnésie et affirme le droit à une parole incarnée, choisie, lucide.

Au-delà de la poésie, l’écrivaine lie son travail littéraire à une démarche artistique globale : les tableaux qu’elle expose, en complément du livre, prolongent le discours du texte, donnant forme visuelle aux silences qu’elle décrit. Ce double langage – poétique et pictural – renforce la portée de son message : il faut réapprendre à écouter les silences, car ils disent ce que l’histoire a parfois voulu taire.

En somme, Au bord des silences est un ouvrage qui engage : il engage la voix de l’auteure, il engage la conscience du lecteur, et il engage une société à reconsidérer ce qu’elle choisit de taire. Écrire le silence, ici, devient une manière de le briser, mais aussi de le comprendre, de le porter avec dignité.

Tadina Christina