Éric Didia Yao Constant : une voix fondatrice de la radiophonie ivoirienne s’éteint

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samedi 07 juin 2025

Le décès d’Éric Didia Yao Constant, survenu le 6 juin 2025 à l’âge de 64 ans, marque la fin d’une époque dans l’histoire des médias ivoiriens. Réputé pour sa verve, sa voix inimitable et son rôle dans la popularisation de la musique congolaise à la radio, Didia a façonné un style d’animation unique, à la croisée de la performance, du journalisme culturel et de l’art oratoire populaire.

Né le 5 octobre 1960, il émerge dans les années 1990 comme l’un des animateurs les plus influents de la bande FM à Abidjan. À travers l’émission Happy People, diffusée sur Radio Nostalgie, il s’impose comme médiateur culturel, articulant discours identitaire, divertissement et patrimonialisation de la musique africaine. Son ton décomplexé et son humour volontiers irrévérencieux, mais finement maîtrisé, témoignent d’une capacité à créer une relation intime avec l’auditeur, dans une dynamique participative avant l’heure.

Didia ne se limite pas au seul médium radiophonique. Son passage par Ivoire FM, puis Life TV, confirme sa polyvalence médiatique et sa capacité d’adaptation à l’évolution des formats audiovisuels. Il y développe une rhétorique visuelle et discursive reconnaissable, tout en entretenant un rapport assumé à la provocation et à l’esthétique populaire. Son rôle dans Life Talk, émission à succès, en fait une figure de référence pour toute une génération de jeunes communicants.

Hors du champ médiatique, Éric Didia cultivait une pratique artistique plus discrète. Diplômé de l’École des arts modernes de Paris, il se définissait comme designer et peintre, revendiquant une sensibilité créative nourrie par sa formation en architecture intérieure et arts visuels. Ce double ancrage – esthétique et médiatique – révèle une posture d’intellectuel populaire, soucieux de construire une œuvre à la fois accessible et singulière.

Sa trajectoire incarne un tournant important dans l’histoire des industries culturelles ivoiriennes. Elle interroge notamment la place de la radio dans la fabrique des imaginaires collectifs, la professionnalisation de l’animation, et les croisements entre engagement esthétique et engagement social dans l’espace médiatique postcolonial.

La disparition d’Éric Didia constitue une perte pour le patrimoine radiophonique national. Son style, à la fois narratif, lyrique et incisif, reste inscrit dans les mémoires comme celui d’un conteurbateur : un communicateur qui racontait la société tout en la bousculant.

Tadina Christina